SULTAN - LE CLIP CHRONIQUé PAR SYS
Le clip débute dans un appel vocal du Sultan.
Une sorte de mantra magique qui s'achève en vibes guerrières et lance la mécanique musicale.
Dans une nuit où gravitent des particules de poussières, le titre SULTAN vient de se former en volutes rouges dans une typographie arabisante. Fondu d'ouverture et gros plan sur le regard d'une fille énigmatique au visage rayé d'un trait noir juste sous les yeux, comme une ligne d'horizon au dessus de laquelle elle seule peut voir. Nous la suivrons, elle est notre fil directeur, notre guide en Perfecto cuir noir, notre Marcheuse pour l'instant statique.
Depuis ses yeux et par un travelling arrière nous sommes débarqués dans une casse-auto. Le sol est noir de cambouis, le ciel est bleu et l'horizon est froissé par les carcasses de voitures empilées.
La guitare laps teel fait son entrée, Henry Caraguel pose désormais une touche hypnotique sur les vues qui se succèdent. Autour d'elle campent d'autres filles, certaines sur le toit des voitures, amazones farouches, maussades, armées et deux bonhommes qui attendent avec un chien. Réponse laconique du violon de Jessica Bachke bientôt soutenu par le violoncelle de Roman Delperier. A l'aide de contre-plongées animées d'imperceptibles balancements, la caméra nous fait lire la tension des visages et des corps en attente d'une hypothétique bataille...
La batterie d'Hugo Berruet mijote déjà sa rythmique asymétrique et clairsemée depuis une vingtaine de secondes lorsque la caméra retourne au regard fixe et déterminé de notre future Marcheuse. Léger travelling arrière, fondu au noir, nouvelle séquence ...
Joy Boutines nous a créé une ballade malicieuse parsemée de scénettes allégoriques. SULTAN, c'est la chanson d'ouverture de l'album Awakening, une place de choix s'il en est ! Dans ce clip est organisé une partie impromptue de puissance 4 où un enfant brillant et espiègle met la pâtée à un homme paniqué par la désinvolture brillante de son jeune adversaire (Khôren-Fred Lemaistre). Il y a aussi une illustration très juste de la solitude, de l'isolement et de la mélancolie. La comédienne Magaly Baup produit ici une délicate interprétation d'une clown esseulée tantôt hilare et tantôt triste.
JOY BOUTINES
Il s'agit là du premier clip d'une réalisatrice autodidacte, chorégraphe, danseuse et professeure de danse. C'est une oeuvre Romantique pour son goût des ruines et du chaos, le retour à la nature naturante, mais aussi Classique pour ses scènes de parking orthonormées, quadrillages de béton où la vie mise en case à l'image ne peut que déborder … Une volonté à toute épreuve, une persévérance d'athlète, le soutient et la confiance de Milos permettront à Joy de réaliser progressivement une oeuvre poétique et foisonnante qui aura pris une année complète de gestation. Ces deux comparses réunis par le concours de notre précieuse Marcheuse (Amanda Blanchard) ont oeuvrés de concert malgré un budget dérisoire ...
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- Joy : « Milos m'a laissé choisir un morceau de l'album Awakening qui n'était pas encore sorti à l'époque … c'était important pour tout les deux que la musique me touche et m'inspire ».
- Milos : « j'ai fait porteur d'eau, chauffeur, cuistot … et j'ai apporté du voodoo dans la conception ».
- Joy : « il n'y avait pas de budget, pas de matos, les gens qui ont suivi ce projet savaient cela et ont compris que c'était un échange, un partage, quelque chose d'humain tout simplement ».
- SYS- « Carte blanche ? ».
- Joy : «Oui, complètement, du choix de la musique à la réalisation, en passant par le scénario, le choix de mes comédiens, il m'a toujours suivi, fait confiance. Si j'avais le moindre blocage, il était là pour chercher des solutions,mais il ne m'a rien imposé, toujours conseillé …».
Une création qui a sans aucuns doutes mis à l'épreuve la ténacité de chacun et fait tourner à plein régime la machine à Astuces, le système D et les bonnes volontés ... La tâche a pu être ingrate par moment et l'ouvrage maintes fois rebattu mais il résulte de ces efforts un clip magnifique, intense et créatif.
ERRANCE
Joy Boutines a réalisé d'autres cours métrages chorégraphiques comme NIXE où elle travaille avec des amateurs et parvient à « révéler ce dont ils n'ont pas conscience, les faire sortir d'eux même, aller plus loin ».
ERRANCE est une autre de ses productions artistiques fondée sur une danse introspective et hallucinée d’un homme qui se dédouble dans une glace. Filmé dans une rue, ce personnage figé (Frédéric Fauna) contemple son reflet qui s'exprime librement.
AWAKENING (2015)
L'album Awakening est sorti en 2015. C'est un album sensible et talentueusement écrit. A dominante acoustique il progresse doucement vers une électrisation des mélodies. Le concept du groupe à géométrie variable a trouvé ici une formule naturelle et équilibrée, parfaite pour les visions musicales du chef.
Dans cette chanson le groupe ressemble à la formation idéale pour faire un morceau Country (lap steel, violon, guitare folk, duo vocal masculin/féminin…). Cependant par une curieuse alchimie, le rendu est étonnamment plus indien que cow-boy au bout de l'alambique … C'est une chanson pour instruments à cordes, la batterie y est seulement tolérée … Chanson mystique et chanson d'ouverture, le texte puissamment évocateur de SULTAN nous projette quelque part entre la prière, la confidence et la pensée magique.
Notre semeuse de scénettes nous guidera à travers les parkings, les terrains vagues et les jachères chardonnantes jusqu'à notre prochain rendez-vous.
Joy & Milos voulaient que « ce soit beau, humain et qu'il y ai des messages qui fassent réagir et voyager le public ». Elle tenait aussi à ce qu'il y ai de la danse...
Leur souhait sera exaucé dans une performance chorégraphique qui nous narre l'éveil d'un homme par une femme qui le cherche inlassablement et le sort de sa torpeur (Frédéric Faula-Natasha Bouyssou). Elle s'enlace de ses bras, le sent, le bouge, le porte et le tire hors de son état de somnambule insensible. Quand il s'éveille il résiste, ce qui donne lieu à de nouvelles figures expressives, parfois acrobatiques... La rencontre a lieu, elle est belle, fragile et sincère. « The kiss of love will do the rest ».
Cette séquence qui occupe près d'un tiers de la durée totale du clip est exposée dans l'écrin romantico-destroy d'une bâtisse en ruine, taguée jusqu'au plafond, poussiéreuse et gagnée par la végétation. Des tableaux s'y succèdent, composés d'ombres portées sur les corps et les espaces. En filmant ces instants Joy Boutines avait déjà le regard et l'expérience de la danseuse, elle a désormais l'oeil du plasticien-vidéaste dans ses cadrages et dans l'expressivité de ses plans en clair-obscur.
- Joy- « Nous avons répété une matinée, afin de dégager des idées et des axes d'improvisation. Rien n'a été vraiment écrit, si bien que le jour même du tournage tout est resté improvisé autour de certaines contraintes. Il faut rester attentif à ce que nous offre le contexte, la lumière, les sons, l'état du corps, le moment présent ».
Nouveau clip … Nouvel album !
Vous retrouverez avec joie le style noblement humaniste de « Milos Unplugged » dans l'imminent album nommé « HUGO BERROUET», projet un poil mystérieux qui mijote depuis quelque temps dans les marmites sélectives du Chef ( un « o » en moins, et vous obtiendrez le nom du batteur …).
Toujours avec les Cocktail Bananas, Milos Unplugged s'adjoindra aussi les compétences de Gregory Vouillat (alias Castro Caméra), Vincent Bestaven (Botibol) et Mathieu Hauquier (Petit Fantôme).
Votre gourmandise acoustique sera bientôt satisfaite et pour patienter confortablement vous avez SULTAN, un clip unique et instinctif, une frappe subliminale teintée d'une légère irrationalité à vous mettre sous la dent, (ainsi que toute l'éclectique discographie de Milos Unplugged sans oublier le récent « Ricochets sonores » créer avec et pour les enfants du centre d'animation Bastide-Queyries …).
« The Innocence commencing ».
Chronique par SYS